Quatrième dimension

Publié le 6 octobre 2007

Quatrième dimension
Ce soir, c’était l’inauguration de Terres d’Automne à Tourzel. Une exposition regroupant huit céramistes entre Besse et Issoire. Ma première exposition.
J’ai bossé, réfléchi, angoissé depuis des semaines. Ces deux derniers jours, j’ai traîné pour mettre les pièces en place, fixer les prix, les marquer sur une petite feuille. Parce que c’est la première fois que je présente vraiment mon nouveau travail en céramique, mes dentelles.
Le lieu est beau, une ancienne chapelle. Nous avons utilisé le matériel d’exposition de l’association, qui met bien les pièces en valeur. C’est une belle exposition, ça a été une belle inauguration et un maire-organisateur surpris par la qualité de ce que nous présentons et par les gens venus nous rencontrer.

J’ai eu de bons retours, un monsieur très intéressé par mes assiettes arbres, une dame qui m’a commandé une dentelle. J’ai eu les compliments des autres céramistes. Mais surtout, j’ai discuté avec un potier qui a réussi à mettre des mots sur ce qui me traverse la caboche depuis des semaines, voire des mois. Il m’a expliqué ce qui me chamboule autant ces derniers temps. Plusieurs fois, j’ai tenté d’expliquer à des amis que je me sentais entrer dans une zone que je ne connaissais pas. Que jusqu’à présent, j’étais en terrain connu, que les poteries que je faisais étaient semblables aux textes que j’écrivais, aux photos que je prenais.
Certes jolies, mais manquant de quelque chose. Et que ce quelque chose est en train de sortir de ma poterie.
Lui m’a dit :
« c’est normal, tu es passée de deux dimensions, maintenant, tu es en trois dimensions. Et tu verras, ce sera encore mieux quand tu feras une poterie à quatre dimensions ».
« Mais aujourd’hui, lui ai-je répondu, ce n’est pas juste une évolution technique. Il y a autre chose, j’explore des zones inconnues de moi-même, je vais plus loin. Il y a de l’émotion que je n’avais pas avant ».
« Et bien, tu l’as, ta quatrième dimension ».

Voilà donc, c’est ça. C’est ce truc qui m’empêche de dormir depuis des semaines, c’est ce truc qui fait qu’aujourd’hui, la poterie, ce n’est pas que vital, ça va bien au-delà. C’est ce qui fait que je ne me sens plus tourneuse, comme avant, mais de plus en plus céramiste. Hier, je tournais des pièces et j’essayais d’en faire quelque chose. Aujourd’hui, quand je me mets sur le tour, je vois la pièce finie avant de la commencer. Quand je mets les mains dans la terre, je ressens une urgence, une nécessité qui me semble aller au-delà de moi. Avant, je tournais avec mon coeur, mes tripes, mon âme, certes. Aujourd’hui, ça va plus loin. Je tourne avec tout ce qui me constitue, même ce dont je n’ai pas conscience.
Ces derniers temps, je ressentais un gros manque au niveau de ma formation. Je pense maintenant que le problème n’est pas là. Certes, il faut absolument que je bosse la technique, afin de m’en débarrasser. Mais que l’essentiel est dans l’émotion, et ça, je ne l’apprendrais dans aucune école, dans nul centre de formation. Que cette émotion est dans ma tête, dans mes mains, dans mon atelier. Il ne me reste plus qu’à aller bosser…

André a conclut notre discussion par « tu as de la chance, certains ne sortent jamais de la troisième dimension ». Dans la soirée, j’ai discuté avec un potier qui m’a parlé uniquement de l’évolution technique de mon travail. Je crois que j’ai compris ce que voulait me dire André.


Histoires, Poterie