Une journée pas tout à fait comme les autres…
Pour ceux qui n’ont pas suivi ou qui ne me connaissaient pas à l’époque, je suis passée il y a deux ans au jeu « Questions pour un champion » (merci Papa, merci Maman pour l’inscription). C’est à cette occasion que j’ai découvert le trac, un truc qui m’empêche de parler. Moi si bavarde, j’en deviens tout muette. Je joue la maligne dans la vraie vie et en petit comité. Mais mettez moi un objectif ou une salle pleine sous le nez, et je range mon bagou dans mon sac pour sortir la panoplie de la jeune femme paniquée. A la fin de l’enregistrement, mes mains tremblaient tellement que j’étais incapable de signer un autographe. Ah non, c’était juste une signature sur un papier pour la production…
Après cette expérience que j’avais trouvée traumatisante (voire humiliante, je m’étais faite éjecté au premier tour), je m’étais dit que j’éviterais ce genre de situation. Bon, depuis, j’ai grandi, j’ai mûri, etc. Et j’ai trouvé assez drôle que Raphaël, un copain assistant caméra, me propose de faire de la figuration sur un téléfilm pour France 3. Basé sur le jeu « Questions pour un champion ». Tiens, si je retentais ma chance.
Hier soir, Audrey, la nana du casting, m’a dit au téléphone « Tu viens avec deux tenues complètes, plutôt colorées, dans les tons pastels, avec une petit sac de voyage. Tu joues le rôle d’une candidate qui arrive à l’hôtel ». Bon, déjà, le petit sac de voyage, ça veut dire que je n’y vais pas en moto. Je n’ai pas de petit sac, qu’une petite valise à roulettes, qui ne tiendra pas sur la selle arrière de ma SV. Tant pis, je prendrais le métro, ça fait longtemps. Pour les tenues printanières et féminines, ce n’était pas gagné non plus. Il faut dire qu’en ce moment, ma panoplie quotidienne tient plutôt du blouson de Goldorak et du pantalon en cuir avec renforcements. Ca me fait des épaules baraquées, des hanches toutes rondes et des genoux dignes d’une vieille atteinte de rétention d’eau. Plus le casque et les gros gants. On est loin de la jupette et du tricot léger.
En fouillant, j’arrive à trouver une petite jupe noire, un grand classique. Et un pantalon en lin beige assorti à un pull parme. Pour aller avec la jupe, j’ai bien un gilet brique, mais je crains que ça ne fasse trop automnal. Alors je rajoute dans la valise la petite chemise bleu pétant, qui va bien avec la robe marine. Qui rejoint elle aussi la valise. C’est là que j’aperçois mon T-shirt à dessins, il est très joli celui-là. Mais il ne va pas avec la jupe noire, plutôt avec la jupe en jean. Donc je prends également le T-shirt et la jupe en jean… J’ai l’impression de préparer une valise pour mes vacances. Ils m’ont demandé deux tenues, je dois bien en avoir quatre ou cinq, ça devrait suffire. Je rajoute deux paires de chaussures et je saisis la valise. Dont le contenu se répand par terre. Non, je ne suis pas stressée, j’ai juste oublié de la fermer. Pour décompresser, je me marre, ramasse tout, ferme la valise et repars.
Dans la rue, direction le métro, je me sens bizarre. Je crois que je suis un peu tendue. Bon, je fais comme pour les virages à droite en moto, je me décontracte, je relâche les épaules, je regarde loin devant et je respire un grand coup. Zut, ça marche pas. Pourtant, pour les virages à droite, ça a été efficace…
Dans le métro, je rate ma correspondance et me tape quelques stations de métro supplémentaires. J’arrive avec un quart d’heure de retard. Mais apparemment, ce n’est pas grave. Il y a déjà une dizaine des figurants, beaucoup de femmes. Après un peu d’attente, le tournage commence. Nous jouons un groupe de candidats qui arrive à l’hôtel, au moment où Cécile, récente Vénus de bronze du jeu, demande une chambre à la réception. La reconnaissant, nous nous précipitons vers elle comme des fans. Nous recommençons la scène pas loin d’une dizaine de fois. Je vois au fil des prises les autres figurants, tous des habitués, qui s’amusent à rallonger leurs répliques, voire à piquer celles de autres. Le but du jeu est apparemment d’arriver à aligner cinq mots minimum. Ce qui fait passer de figurant à silhouette, statut mieux payé, si j’ai bien compris. Moi, dans le lot, je suis plutôt vers le fond, comme à la fac. Dès le départ, je me suis un peu faite éjecté de l’avant par d’autres qui voulaient être dans le champ de la caméra. Ca tombe bien, je me sens plus à l’aise derrière. Et comme après, il faut garder à peu près la même place dans le groupe, je resterais au fond tout le long. Aux premières prises, je me marre, regarde les techniciens et oublie l’unique réplique que j’ai. Terrible comme réplique ! A Cécile qui nous explique qu’elle est à cet hôtel car c’est le seul qu’elle connaît à Paris, « avec le Ritz », nous répondons en coeur, en faisant mine d’appuyer sur un buzzer: « Lady Di ».
Au fur et à mesure que l’après-midi passe, je m’amuse de plus en plus. Jusqu’à glisser lors une prise un formidable « Zut trop tard » bien sonore. J’avais raté le coche pour « Lady Di ». J’arrive aussi à en oublier la caméra et à arrêter de stresser. A presque avoir envie d’être un peu plus devant la caméra. Mais pour un premier contact, je trouve ça largement suffisant. Je ne me sens pas une vocation d’actrice.
Je profite des pauses pour discuter avec les figurants. Un théâtreux qui connaît le réalisateur, un romancier qui est persuadé m’avoir déjà vu dans un autre film (hum hum), une traductrice français-tibétain et une retraitée. Le romancier voulait me proposer un tuyau pour un film de James Ivory qui se tourne en ce moment à Paris, mieux payé que les productions françaises. Mais, étant derrière moi dans le groupe, il m’a tellement collé au cul que je suis partie discrètement sans lui dire au revoir. Je n’aime pas qu’on me colle au cul si je n’ai pas donné mon accord.
La journée s’est arrêtée là, je ne serais pas une star de cinéma, tout juste une figurante sur un téléfilm pour la 3, qu’on apercevra deux secondes et demi dans une scène d’hôtel. Mais j’ai entraperçu qu’avec un peu d’habitude, une caméra, ce n’était pas si terrible que ça.
Et finalement, le pire dans cette journée, c’était avant le tournage…