Les routes
Le but de mon voyage était d’aller voir les paysages grandioses de l’Ecosse, mais aussi de rouler. La moto, ma drogue, mon exutoire, qui me permet de vivre des moments rares, où je suis à la fois pleinement ici et complètement ailleurs, qui me permet de faire le vide dans mon esprit et de profiter pleinement de l’instant présent.
Voici donc les routes écossaises telles que je les ai vécues, avec ma façon de lire les cartes routières qui m’emmène parfois dans des endroits improbables.
Amis en sportives, fous du genou par terre, paniqués du gravillon, angoissés de la moindre bosse, un conseil : oubliez l’Ecosse, vous allez passer des vacances cauchemardesques. Par contre moi, comment dire ? Gasp ?
Déjà, les ingénieurs des ponts et chaussées devaient être fâchés avec les terrassiers : les routes suivent les moindres bosses du terrain. Parfois, ça donne des ondulations assez rigolotes à suivre.
Ondulations |
Parfois, on est limite de faire décoller de la moto (si si, même moi). Parfois, les ondulations sont trop rapprochées et là, ça devient dangereux pour les plombages qui vous restent.
Ajoutez en plus à ça que si, sur certaines portions, les routes sont de bonnes lignes droites, on est dans une région qui est relativement montagneuse et ça peut grimper sévère. Les panneaux 15 à 20 % ne sont pas rares et quand une pente à 20% suit juste une côte avec un sommet aveugle, ça peut donner des ailes et des sueurs froides en même temps. Testé et approuvé !
Je disais donc, l’Ecosse, c’est montagneux et qui dit montagne dit virolos. Virolos + fortes pentes + ondulations du terrain = par moments, on a juste l’impression d’être dans un manège géant, sensations garanties !
L’Ecosse a aussi ses spots moto, comme ici à Applecross, que j’ai fait dans le mauvais sens. En même temps, vu mon peu de goût pour les épingles, c’était pas grave (on ne voit pas les deux trois virages cachés à droite).
Vers Applecross |
La spécialité routière de l’Ecosse, c’est la « single track road », avec les « passing places » : une seule voie, le croisement de deux voitures n’est pas possible, celui d’une voiture et d’une moto peut à la rigueur aller, celui d’une moto et d’un camping car est difficile. Il y a donc régulièrement des passing places, qui permettent de se garer et d’attendre que l’autre en face soit passé, ou encore de se pousser pour permettre à la personne derrière de doubler. Un petit signe de la main pour remercier, les gens sont plutôt très courtois, surtout à l’intérieur des terres, moins sur la côte ouest où il y a plus de touristes. Et puis, c’est bien , les passing places, ça permet au motard de s’arrêter facilement et rapidement…
Arrêt d’urgence |
Les p’tites routes, ça mène toujours à des endroits sublimes…
Montagne |
Entre mer et montagne |
Etendue de bruyère |
Dans ces conditions, difficile d’aller vite, surtout que les routes sont également bosselées, et gravillonnées. Puis bon, des fois, on trouve des obstacles sur la route
You shall not pass |
(quand je l’ai vue, cette vache, j’ai entendu un « you shall not pass » dans le casque!)
Mon anecdote blonde concernant les routes : ayant fait pas mal d’autoroute pour monter en Ecosse, j’étais un peu vaccinée pour le reste de mes vacances. J’ai donc essayé d’éviter les grosses routes au maximum, mais un jour, je me suis retrouvée plus ou moins sur une deux fois deux voies, un peu chiante. V’là-t-y pas que mon regard est attirée par une bande de bitume plus ou moins défoncée sur le côté, qui me fait un petit clin d’oeil genre « qu’est-ce que tu fous là-haut et si tu venais en bas ». Hop, ni une ni deux, au premier embranchement, je me retrouve sur cette RAC défoncée au possible, à rouler tranquillos tandis que les camions passent à côté là-haut, tout là-haut.
Piste cyclable |
Ce n’est qu’au bout de 10 km et après avoir failli écraser un chien que je me suis rendue compte que c’était une piste cyclable…
Véhicule improbable – ou la gentillesse des Ecossais
Parfois, au détour d’un virage ou d’une rue, il est possible de croiser un véhicule improbable, les Britanniques étant largement plus tolérants que les Français sur les bricolages maison, du moment qu’ils sont faits sérieusement. J’en ai croisé assez peu, mais c’était de chouettes rencontres.
Le contexte : sur la côte est, à Dunbeath, après un repas très sympa au Bay Owl, j’ai envie de rouler encore un peu, direction donc une petite route qui ressemble encore à un cul-de-sac (en fait, j’ai passé mes vacances à aller voir si c’était vraiment des culs-de-sac, ces routes)
Je passe pas loin de Maiden Pap, une petite montagne jolie comme tout (et malheureusement pas avec une belle lumière ce jour-là).
Maiden Pap |
Au bout de la route, un de ces endroits improbables : à gauche, une route privée, à droite un chemin privé qu’il est possible de prendre à pied. On est donc dans un vrai cul-de-sac point de vue circulation à véhicule à moteur. Et là, au milieu de nulle part, il y a une cabine téléphonique…
Au bout du chemin |
Retour tranquille quand soudain, à quelques kilomètres du camping, c’est le drame. Ma moto se met à pétarader. Et cale. Elle redémarre nickel. Se remet à pétarader et recale. J’arrive à rouler un peu, elle pétarade, cale deux trois fois. Au camping, je la pose, essaye de redémarrer, nickel. J’accélère et là encore, elle cale. Bon, ben il est tard, je ne vais pas démonter la moto ce soir, donc dodo et demain est un autre jour…
Sauf que dans la nuit, je me suis demandée si c’était bien de l’essence que j’ai mise quand j’ai fait le plein. Il me restait environ la moitié du réservoir, je me dis qu’il est possible que le diesel n’arrive que maintenant dans le moteur.
Donc tôt le matin, je mets le nez dans le réservoir. Ca sent mauvais, mais de là à dire si c’est essence ou diesel… Comme je ne vais pas réveiller le camping avec des essais moteur, je pars en balade à pied dans les environs. Et je tombe sur ça :
Et pourtant, elle roule |
Robbie, le propriétaire est juste à côté et j’entame la discussion. Avant de GS750, moteur Peugeot diesel et arrière de voiture (je n’ai pas retenu laquelle). L’engin roule mais n’est pas homologué en ce moment à cause d’un jeu dans la direction. Dès que ce sera réparé, re-homologuation et roule ma poule
Parait juste que les suspensions sont un peu raides : il n’y en a pas.
J’en profite pour apprendre qu’il y a un garagiste juste à côté. Si jamais mon histoire de diesel est vraie, j’aurais au moins un mécano pas loin pour entreprendre le nettoyage du moteur.
Donc retour au camping, reniflage du réservoir par Philippe qui est aussi sceptique que moi, douche. Et quand je sors de la douche « Corinne, y a un monsieur pour toi qui est spécialiste du diesel »… Alors que je n’ai rien demandé, Robbie a parlé de mon souci à une autre personne, en l’occurence le mari de la dame qui tient le camping, qui a pris un bidon de diesel avec lui pour qu’on puisse comparer les odeurs. Ce qu’on fait sur le champ : ouf, je n’ai pas fait ma blonde sur ce coup, j’ai bien mis de l’essence.
Je démarre la moto. Pas de pétarade, pas de calage intempestif. En fait, la moto a roulé parfaitement de toute la journée et même du reste du voyage… Va comprendre, Charles (oui, je parle au fils de la reine d’Angleterre).
On a retrouvé Robbie le soir au Bay Owl, mais côté pub, pas côté restau. Et ma foi, c’est un super moment que j’ai passé avec tout un groupe d’Ecossais ce soir-là
Une autre moto improbable croisée plus à l’ouest.
Cadre de MZ |
Mais elle doit pas rouler beaucoup, celle-là
Ma moto
Ce voyage n’aurait pas pu avoir lieu sans mon fidèle destrier. Pourtant, le voyage ne s’était pas engagé dans de bonnes conditions. Parmi les surprises que j’ai eues après l’achat en mai de cette F650 GS, la dernière en date était un amortisseur fuyard diasgnostiqué deux semaines avant le départ.
Trois jours avant de partir, elle était dans cet état dans mon garage.
Le cul en l’air |
Vendredi, je récupère l’amortisseur reconditionné, qui est remonté dans la foulée et testé le dimanche, pour un départ le lundi, pour la région parisienne. Ouf, timing serré. Mais je suis partie avec l’idée de la revendre dès mon retour. Sauf que…
Sur le début du voyage, j’ai enchaîné une journée de 700 km avec des journées de 400 km sans ressentir de fatigue.
Elle m’a surprise par sa capacité à me permettre de flâner, nez au vent et casque dans les nuages, sur les petites routes que j’aime tant. Elle tracte gentiment, ne ronchonne pas trop quand c’est cahotique, consomme aussi peu qu’un chameau (entre 3,3 et 3,8 l/100 km). Bref, j’ai commencé à comprendre le mode d’emploi et finalement, après avoir pesté contre cette moto, ben je commence à m’y attacher.
C’est une moto qui m’a emmenée
au bord de la mer |
voir des couchers de soleil |
camper dans des coins perdus |
Et aussi dans les petits chemins
J’étais perdue là |
et là |
A mon regret, je n’ai pas fait tant de pistes que ça, l’Ecosse n’est pas vraiment le paradis du trail pour ses chemins. Il y a en bien, et même pas mal. Mais ce sont soit des chemins pour les randonneurs et les véhicules à moteur y sont interdits. Soit des pistes privées, qui mènent généralement à des fermes isolées. Et qui dit privées dit interdites à la circulation.
Donc aujourd’hui, au lieu de chercher à revendre cette moto, je suis plutôt en train de regarder pour y accrocher des valises en prévision de prochains voyages.
(à suivre)