Début d’après-midi, je pars pour Clermont pour un RDV boulot. Il fait gris, pas trop froid, il ne pleut pas. Donc pour des raisons toujours bassement économiques, je prends la SV et non le Trafic. Aller, 40 km, A75, rien d’extraordinaire. Si ce n’est le plaisir de monter sur la moto.
Pour le retour, j’ai envie de prolonger ce plaisir et jardiner un peu. Il ne fait toujours pas beau, mais ce n’est pas grave. A l’aller, en passant près du plateau de Gergovie, je me suis dit que ce serait sympa d’aller voir là-haut. Donc je pars de Chamalières en chopant la N89.
Mais le plateau de Gergovie arrive bien vite, ça me ferait rentrer trop rapidement. Je reste sur la N89. Direction Saint Amand Tallende. Je trouve que c’est encore trop proche de Clermont, je continue sur la N89. Direction Aydat ?
Allez, hop, ce sera un petit tour vers le lac d’Aydat. Il fait toujours gris, la route est un peu humide, je roule tranquille. A Aydat, c’est calme, les enfants sortent de l’école. Panneau « Murol ». Va pour Murol. Les nuages gris sont remplacés par du brouillard. Je ne vois pas grand chose, des formes indistinctes de vaches sur le côté, la route qui sillonne au milieu. J’ai froid aux doigts, gants de merde, j’ai froid au buste, blouson de merde.
Avant d’arriver à Murol, je bifurque vers Beaune le Froid, que je traverse un peu au hasard. Puis je vois le panneau « Mont Dore, Col de la Croix Morand ». Tiens, c’est une bonne idée, ça, je vais me faire le circuit des deux cols, Croix Morand et Croix Saint Robert.
Je suis sur une petite blanche, le brouillard se fait de plus en plus dense, pas de ligne au milieu de la route pour me guider, je découvre les virages au fur et à mesure. Je rejoins la D996, le brouillard ne s’arrange pas. La route monte, je vois toujours aussi peu le bitume, mais au-dessus, un peu plus haut dans le ciel, ça s’éclaircit. Un peu avant d’arriver au col, je lève la tête. Un coin de ciel bleu avec un avion qui passe.
Je passe le col. Je passe dans un autre monde. En quelques mètres, le brouillard s’estompe. Les silhouettes vagues et noires que j’entr’apercevais deviennent des volcans boisés arrosés par le soleil couchant. Je m’arrête sur le côté, je regarde derrière moi. Le brouillard est lui aussi en train de passer le col et des langues de brumes commencent à dévaler les flancs de la montagne. C’est beau. J’éteins le contact, je veux profiter du spectacle. Et je me maudis d’avoir oublié mon appareil photo. Dans un champ, sur le côté, un mec fait des photos. J’ai failli aller le voir, pour lui demander si c’était du numérique, lui donner mon mail pour qu’il m’envoie un souvenir de ce moment. Mais bon, il est loin. Je remets le contact, je repars doucement, et je profite du coucher de soleil sur le Mont-Dore. Traversée de la ville, il n’y a pas un chat.
Direction Besse, Col de la Croix Saint Robert. Il fait beau, la route est à peu près sèche, je me régale. Puis j’arrive au col. Et là encore, je m’arrête, je coupe le contact. Et je me mets à pleurer devant tant de beauté. Derrière moi, la vallée est dégagée, le soleil a presque disparu, la montagne est éclairée par ses derniers rayons. Devant moi, une mer de nuages, d’où se lève une lune blanche pas encore tout à fait pleine, d’où émergent quelques sommets de volcans, noircis par le crépuscule. A l’horizon, le ciel hésite entre le bleu et le rose. C’est tout simplement magnifique. Je ne regrette même pas l’appareil photo, il n’aurait jamais pu capter la beauté de ce paysage. Je contemple, je profite de cet instant magique.
Le soleil finit de se coucher, je remets le contact et je plonge dans cette mer qui s’étale devant. Il fait de nouveau froid, la route est mouillée, le brouillard cache les fossés et les virages. Mais je m’en fous, je suis encore là-haut. Après avoir vu ce spectacle, il m’importe peu de me taper quarante kilomètres de brouillard, d’avoir froid, d’ête obligée de rouler visière ouverte.
En fait, le retour ne sera pas tout à fait comme je le pensais. Un peu avant Besse, je me trouve phare à mufles avec un troupeau de génisses qui a choisi d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte que dans leur pré. Vu qu’elles occupent toute la route, j’ai un peu de mal à les passer, alors je les fais courir un peu. C’est rigolo, des vaches qui trottinent. Elles
finissent par se garer le long du fossé. Arrêt dans une ferme pour signaler l’évasion. Puis passé Besse, le brouillard disparait peu à peu, il fait moins froid. Je finis ma balade de nuit, avec un peu trop de voitures en face, qui oublient parfois d’enlever les phares. La balade Besse-Saurier-Saint Floret est assez agréable en temps normal. Là, je la trouve un peu fade. J’arrive à la maison. Je me dis que le hasard fait bien les choses, que les panneaux croisés m’ont emmenés au bon endroit, aujourd’hui.
Je vous ai déjà dit que j’habite une région magnifique ?
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Corinne ‘tite route
(edit : 10 mois plus tard, je m’arrête devant la boutique d’un photographe à Issoire. Je trouve les photos très jolies. Jusqu’à ce que mon regard s’arrête sur deux photos de volcans dans la brume. Le photographe d’Issoire est celui que j’avais vu dans le champ en haut de la Croix Morand. Les deux photos sont désormais dans ma cuisine)