Comment me faire frétiller du cerveau
Tout commence il y a un mois, au cours d’un week-end moto, quand j’explique que je vais aller passer mes vacances en Irlande. On me glisse :« tu sais que Morgan Govignon va participer au Manx GP sur l’Ile de Man ? Tu ne seras pas très loin, tu devrais y aller ». Ile de Man, course, moto, photo : je n’y peux rien mais immédiatement j’ai le poil qui se dresse et le cerveau qui se met à frétiller. Morgan, je ne le connais pas directement, je sais qu’il fait du rallye routier et donc qu’on a forcément des amis en commun. J’ai déjà lu certaines de ses interventions sur des groupes de discussion et j’ai bien aimé. L’idée fait son chemin et quelques jours plus tard, je me retrouve à appeler un mec que je ne connais pas pour savoir s’il participe bien à la course. L’info était bonne et il n’est pas seul, il y aura au moins sept Français à courir, dont Julien Toniutti que j’ai également croisé régulièrement sur plusieurs rallyes. Donc c’est décidé, je pars pour l’Ile de Man. La synchronisation des voyages en ferries entre la France, l’Angleterre, l’Irlande et l’Ile de Man se révélant à la fois compliquée et un peu chère pour mon budget, j’abandonne l’idée de visiter l’Irlande pour plutôt sillonner le sud de l’Angleterre et le pays de Galles pendant deux semaines avant d’aller naviguer vers les terres manxoises.
Improvisation
Mon niveau d’organisation étant toujours aussi évolué, je n’ai pas pris mon billet à l’avance vers l’Ile de Man et je décide lundi matin, après une journée pas terrible dans le Snowdonia Park pourtant réputé pour sa beauté, de monter à Heisham pour aller prendre le bateau au lieu d’attendre mercredi comme je l’avais plus ou moins prévu. Sur le site web de la compagnie de ferries, tout est déjà bouclé, je ne suis pas tout à fait sûre d’arriver à traverser. Sur place, ce n’est pas gagné non plus. J’arrive quand même à avoir un billet sûr, mais pour mercredi soir et avec un départ depuis Liverpool. Mais si j’attends, peut-être qu’une place va se libérer sur le bateau qui part d’Heisham à 2h15 du matin. Commencent alors une looooooongue après-midi dans un pub (trois bières, un hamburger et plusieurs chapitres d’un bouquin sur le lien entre communication et démocratie) et une looooooooongue soirée dans la salle d’embarquement (tricot avancé quasiment d’une pelote de laine) avec une petite incertitude sur la fin de ma nuit : si je ne peux pas partir, je ne sais pas trop où je vais pouvoir dormir.
Je me sens un peu seule |
A minuit et demi, la dame du guichet vient m’apporter ce petit carré de papier qui me permet de monter à bord. C’est bon, j’ai mon billet et je pars !
Plein les mirettes
Une traversée plus tard, avec une trop courte nuit de sommeil, première émotion en descendant du bateau. Il est six heures moins le quart, le port est vide, les rues de la ville aussi. Au-dessus de l’île, de gros nuages noirs rasent les sommets des collines tandis qu’au niveau de la mer, quelques gros cumulus blancs commencent à être éclairés par le soleil qui ne va pas tarder à se lever. Le long des trottoirs, des motos, par paquets, partout. Au bout de quelques rues, je me retrouve sur le parcours de la course. Facile à repérer : il y a des protections partout sur les lampadaires, au coin des maisons, sur tout ce qui peut constituer un obstacle en fait. Ambiance…
Après quelques hésitations sur quoi faire, je décide d’aller au camping conseillé par Morgan, à une vingtaine de kilomètres de Douglas.
Et là, deuxième émotion de la matinée, je découvre les paysages de l’île et c’est beau comme j’aime : des champs, des moutons, des collines recouvertes de bruyère chatouillées par des nuages qui filent poussés par le vent, et des routes sinueuses au milieu de tout ça (apparté : la petite route de montagne que j’ai prise plus tard dans la matinée était juste énorme avec une épingle à droite en descente à passer en mode « gros coeur ». Ou pas !)
La route |
Vue dans la montagne |
Je suis toujours sur le parcours de la course et je me demande d’ailleurs si ça ne serait pas une bonne idée de le faire en entier, histoire de le voir, là tranquillement au petit matin, sans personne sur la route. Je prends l’option raisonnable de m’arrêter au camping : même si je me sens plutôt à l’aise avec la conduite à gauche, j’ai peur que la fatigue me fasse faire une connerie. Dodo, douche, blabla avec d’autres campeurs et avec Glynne et Eddie qui tiennent ce camping familial, convivial et avec une vue d’enfer à la fois sur la montagne et sur la mer. En fin de matinée, il est temps de filer vers le paddock retrouver les Français. Je parcours les allées, jusqu’à trouver des véhicules avec des plaques françaises. Au fil de l’après-midi, je croise Morgan, Julien, Martial, Eric, Lancelot, tous des « newcomers » (première participation).
Et là, je me prends la troisième grosse émotion de la journée quand ils me racontent leurs premiers tours de roue, la claque qu’ils se sont prise parce qu’ici, ça ne ressemble à rien de ce qu’ils connaissaient, leurs doutes face à la difficulté, leurs joies de voir leurs résultats s’améliorer. J’ai trouvé chez plusieurs d’entre eux un mélange étonnant de l’enthousiasme du gosse qui réalise un gros rêve et croit qu’il va changer le monde, et de l’humilité et de la maturité de l’adulte qui sait que ça ne va pas être simple et que surtout il ne faut pas faire n’importe quoi. Contrairement à ce que voudraient faire croire d’autres médias (je pense au reportage de TF1 sur le TT qui était complètement à côté de la plaque et a fait tellement de dégâts dans l’opinion des gens), ici, il n’y a pas de place pour les têtes brûlées, pour l’improvisation. Ce n’est pas une course où l’on peut foncer tête baissée sans réfléchir, au contraire. Et c’est ça qui la rend d’autant plus forte.
Hier mardi, c’était la troisième journée d’essais pour les pilotes et ma première journée sur l’île, longue et dense, pour prendre mes marques. D’ailleurs, j’ai un peu eu l’impression d’une distorsion temps-espace entre lundi matin où je déprimais dans ma tente sous la pluie galloise et hier soir, quand je suis rentrée de nuit au camping sous les étoiles après une journée d’enfer.
Et ce n’est que le début
A partir de demain, je vous raconte les essais, les courses et les étoiles qui sont dans les yeux des pilotes.
Morgan Govignon (14) au départ des essais de mardi |