23 – Maroc 2004 – Chefchaouen la b(l)eu

Publié le 1 février 2004

Dimanche 1er février
Azrou – Fes – Ain Aicha – Ketama – Chefchaouen

Aujourd’hui, c’est l’Haïd El Kebir, dont les préparatifs ont beaucoup occupé les Marocains ces derniers jours. Nous partons en fin de matinée, avec l’odeur du mouton grillé qui nous accompagnera tout le long de la route jusqu’à Fes. Nous repassons par Ifrane et son allure de ville suisse. C’est fou comme on peut oublier un paysage en quelques dizaines de jours. Cela me parait bien moins beau que dans mon souvenir. Peut-être que ça ne tient pas la comparaison avec les autres paysages que nous avons vus depuis la fois où nous sommes passés.

A Fes, nous cherchons notre route. Un homme en voiture s’arrête, nous demande où nous voulons aller. « Suivez moi ! ». Et c’est derrière une voiture diesel mal réglée, fumant bien noir, que nous contournons la ville. La vieille ville épouse de ses bâtiments blancs et ocres une colline. Cela nous donne l’impression d’être passés à côté de quelque chose en ne nous arrêtant qu’une nuit ici il y a quasiment un mois. Le mec nous met sur la bonne route et nous dit au revoir. Bien sympathique.

Jusqu’à Aïn Aïcha, ça ne se passe pas trop mal. C’est après que ça se gâte, pas à cause de la boue, ce coup-ci, mais à cause des gens. Nous entrons dans le Rif. Les paysages sont magnifiques, mais rapidement, je me concentre uniquement sur la route, sans trop regarder les montagnes et les vallées. On nous avait prévenus que la traversée du Rif était pénible à cause des vendeurs de kif. Naïve, je pensais qu’en ce jour de fête familiale, tout le monde serait avec ses proches, en train de manger du mouton. Grave erreur. Tout le monde est dehors, en train de se faire chier royalement. Résultat, les vendeurs de kif nous harcèlent, nous faisant de grands gestes, sifflant, s’approchant des motos. Toutes les voitures que nous croisons, qu’elles soient arrêtées sur le bord de la route ou en train de rouler, nous font des appels de phare. Les gamins hurlent à notre passage. L’horreur. La traversée des villes et villages est d’autant plus pénible que les rues y sont défoncées. A Taounate, nous nous arrêtons pour acheter à manger. Nous nous retrouvons entourés d’une horde de gamins très insistants. Sam en voit quelques uns sniffer de la colle. Nous repartons le plus vite possible, sans manger. Dans une ville un peu plus loin, des gamins me jettent des bouteilles vides en plastique. L’heure passe, nous avons déjà fait pas mal de route.

J’espère pouvoir faire une halte à Ketama, y passer la nuit. Cette ville est la pire que nous avons traversée. Rues vraiment défoncées, crasseuses. Beaucoup de monde. Même pas besoin de nous concerter, nous ne nous arrêtons pas et nous continuons. Notre moral en prend un coup quand, 20 km après Ketama, nous voyons un panneau « Chefchaouen 80 km ». J’ai mal lu la carte et je pensais qu’il y avait 80 kilomètres entre les deux villes. En fait, il y en a une grosse centaine…

Il commence à faire nuit. Nous roulons autant que nous pouvons. Mais à la nuit noire, je n’arrive plus à avancer. La route est défoncée, les virages s’enchaînent et je n’ai toujours pas de phare, un vague code anémique. Sam passe devant pour m’ouvrir la route, mais j’ai du mal à le suivre et petit à petit, il s’éloigne, je le perds. A 50 km de Chefchaouen, nous échangeons les motos. Ce sont deux DR, mais ils n’ont rien à voir : j’ai un guidon haut, Sam un guidon beaucoup plus bas et ses commandes sont plus souples que les miennes. J’ai du mal à doser l’accélération, les freinages. Je me traîne. Sam finit par passer devant, même sans phare. Je me force un peu et j’arrive à mieux rouler, à me faire à la moto. C’est épuisés mais soulagés que nous arrivons à Chefchaouen. Sam me laisse m’occuper de trouver l’hôtel. Le mec de la réception est sympa, il négocie tout seul : « la chambre est à 120 dirhams, mais je te la laisse à 100 ». Ca tombe bien, je ne me sens pas le courage de discuter les prix. Pour le restaurant, nous choisissons un endroit « typique » de la ville : tentures en laine bariolées aux murs, petites alcôves avec coussins et éclairage à la bougie, concert de percu, odeur de shit dans la salle, Espagnols en vacances. Nous mangeons bien et sommes tellement crevés que nous nous endormons presque dans la petite alcôve où on s’est installés, malgré le tam-tam des percussions.

Lundi 2 février
Chefchaouen – Tanger


Maroc_281.JPG
Place

Maroc_282.JPG
Petit déj’

Le matin, nous partons en balade dans la médina, dont on nous a vanté les couleurs bleues plusieurs fois. Petit déjeuner à côté de la mosquée et de la kasba, sur une place mignonette pavée de galets.

Puis nous entrons dans les ruelles de la médina. C’est joli comme on nous l’avait décrit, un camaieu de bleus sur les murs chaulés.


Maroc_283.JPG
Les rues de Chefcha

Maroc_285.JPG
chaulées de bleu

Maroc_286.JPG
ce qui donne des camaieux

Des bleus clairs, des bleus turquoise, des bleus foncés, des bleus presque blanc. D’une maison à l’autre, d’un étage à l’autre, des variations de nuances. Et parfois un vert, un marron qui vient en contraste. Ou encore, sur le sol, le rouge du sang des moutons tués la veille.


Maroc_287.JPG
Ca grimpe

Maroc_288.JPG
Escalier blanc

Maroc_292.JPG
Vers une cour

Au coin d’une rue, un tas de bois signale un hamam. Nous errons au gré des escaliers, des ruelles. Les boutiques sont fermées, c’est férié aujourd’hui. Il fait gris, mais nous sommes bien.


Maroc_289.JPG
Rue

Maroc_290.JPG
Rue

Maroc_291.JPG
Vue sur les montagnes

En fin de matinée, nous prenons tranquillement la route vers Tanger. Nous ne prenons le bateau que demain dans l’après-midi, mais nous préférons éviter les aléas de dernière minute et être à Tanger dès aujourd’hui. La route a très peu d’intérêt, nous sommes pressés d’arriver. A Tanger, nous trouvons rapidement un hôtel, au charme un peu surrané. Nous allons nous promener dans la médina, décevante après celle de Chefchaouen. C’est simplement une ville dans la ville, avec des ruelles étroites, aux immeubles ocres.


Maroc_293.JPG
Les canons de Tanger

Sur une place, avec des canons pointés sur la mer, un groupe de gosses nous aborde. Ils sont habitués aux touristes : ils nous demandent d’où on vient, nos noms, nous citent des joueurs de foot marocains jouant dans des équipes françaises, avant de finir par réclamer… un euro. A Tanger, l’inflation galope…

Un peu plus loin, dans la ville moderne, aux larges avenues illuminées comme les Champs Elysées pour Noël, nous nous faisons de nouveau emmerder par des gamins, qui nous réclament eux aussi des euros. Soudain, Sam se baisse et ramasse par terre une pièce de 5 dirhams. Là, les gamins se déchaînent et se mettent à hurler, réclamant à Sam la pièce qu’il vient de trouver. Nous arrivons sur une place où je commence à chercher le policier qui pourra nous délivrer de cette horde bruyante. Un adulte s’en charge avant, faisant déguerpir les gamins. Il faut dire que quand l’un d’entre eux lui a cherché à expliquer que Sam l’avait volé, il n’a pas été très crédible. Que ce soit dans la ville nouvelle ou dans la médina, nous avons du mal à trouver quelque chose d’ouvert où dîner. Nous finissons pas très loin dans l’hôtel, dans un restau médiocre.


Maroc 2004, Moto, Un peu d'air pur